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Hippolyte d’Albis*, Agnès Bénassy-Quéré*

Cet article a été initialement publié dans l’édition de mai 2021 des 5 articles…en 5 minutes.

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Dans les pays riches, les taux d’impôt sur le bénéfice des sociétés ont fortement diminué depuis les années 1990. Une explication courante repose sur la concurrence fiscale que les Etats se livrent entre eux pour attirer les investissements étrangers. La mondialisation financière conduirait les Etats à alléger la taxation du capital et à reporter la charge du financement des dépenses publiques sur les autres facteurs de production et, en particulier, sur le travail. Toutefois, la littérature empirique peine à mettre en évidence un lien entre la mondialisation et la fiscalité sur le capital, une fois pris en compte les autres facteurs qui peuvent peser sur l’imposition du capital comme, par exemple, le vieillissement de l’électorat. Sur le plan théorique, le raisonnement oppose un capital supposé parfaitement mobile à un travail parfaitement immobile. Or, le capital n’est pas parfaitement mobile, tandis que le travail l’est de plus en plus : entre 1997 et 2014, la mobilité du travail entre les pays de l’OCDE a augmenté de plus de 40%, et davantage encore si l’on se restreint aux personnes les plus qualifiées ou si on ne considère que la mobilité au sein de l’Union européenne. Une plus grande mobilité du travail constitue, par symétrie, une pression à la baisse de la taxation du travail. L’incitation peut même être augmentée par le fait que les travailleurs se déplacent avec une partie de leur épargne. Pour attirer des capitaux, il faut donc aussi attirer des travailleurs ! L’analyse de l’effet de la mondialisation sur la taxation du capital se complique dès lors singulièrement.

Dans cet article, Hippolyte d’Albis et Agnès Bénassy-Quéré revisitent la théorie de la concurrence fiscale en considérant un modèle de taxation du travail et du capital dans lequel les deux facteurs sont susceptibles de traverser les frontières. Ils montrent qu’une plus grande mobilité du capital fait baisser l’impôt sur les sociétés (avec report de la charge fiscale sur le travail) uniquement dans les pays exportateurs nets de capital, soit ceux dont le montant des investissements réalisés à l’étranger par leurs résidents est supérieur au montant des investissements réalisés en leur sein par des non-résidents. Pour ces pays, la plus grande mobilité du capital fait disparaître l’espace de taxation dont ils bénéficiaient antérieurement du fait de l’abondance de capitaux domestiques non investis dans leur économie. L’analyse empirique portant sur 29 pays de l’OCDE confirme ce résultat théorique. Les Etats-Unis et le Royaume-Uni envisagent actuellement d’accroître l’imposition des revenus de leurs entreprises. Il est intéressant de relier ces nouvelles orientations à l’évolution récente de leurs positions nettes en matière d’investissement direct étranger : les deux pays sont devenus importateurs nets de capitaux respectivement en 2016 et 2017. Selon les résultats de l’article, ils auraient de ce fait bien moins d’incitations à jouer le moins-disant fiscal, de sorte que d’autres motivations pourraient reprendre le dessus.

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Références

Titre original de l’article : Taxing capital and labor when both factors are imperfectly mobile internationally

Publié dans : International Tax and Public Finance (2021) – forthcoming

Disponible via : https://link.springer.com/article/10.1007/s10797-021-09663-4

Crédits visuel : Brian A Jackson – Shutterstock

* Membre de PSE