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Hippolyte d’Albis*, Ekrame Boubtane* et Dramane Coulibaly

Cet article a été initialement publié dans l’édition de mai 2021 des 5 articles…en 5 minutes!

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Les pays de l’OCDE sont les principaux pays d’accueil des immigrés, qui y représentent près de 15% de la population résidente. Au cours des dernières années, la contribution des immigrés à l’accroissement démographique a ainsi fortement augmenté. Le solde naturel (soit la différence entre les naissances et les décès), qui était traditionnellement supérieur au solde migratoire (différence entre l’immigration et l’émigration), ne l’est plus depuis la fin des années 1990. De nombreux travaux de recherche ont mis en évidence les effets bénéfiques de la migration sur l’économie dans son ensemble. Les effets sur les inégalités sont moins documentés. Ils sont pourtant cruciaux dans un contexte de mondialisation accrue, car ces inégalités peuvent engendrer des oppositions aux politiques d’ouverture en général et aux politiques migratoires en particulier.

Dans cet article, Hippolyte d’Albis, Ekrame Boubtane et Dramane Coulibaly analysent les effets des changements démographiques sur l’inégalité entre le capital et le travail, mesurée par la part du travail dans le revenu national. L’avantage principal de cet indicateur est qu’il repose sur les données annuelles de comptabilité nationale disponibles et comparables dans le temps et entre les pays. La part du travail dans le revenu est étroitement liée aux indicateurs des inégalités de la distribution de revenu en raison d’une plus grande concentration du capital dans la population. En effet, elle est corrélée positivement avec les parts de revenus des 40% « du milieu » (la classe moyenne) et des 50% les plus pauvres, et négativement avec les parts de revenu des 1% et des 10% les plus riches pour l’ensemble de pays que l’article étudie. De plus, les informations passées sur la part du travail dans le revenu national permettent d’améliorer significativement les prédictions des indicateurs de distribution de revenu de la Base de données sur les inégalités mondiales (WID.world).

Les résultats empiriques à partir des données annuelles d’un panel de 18 pays de l’OCDE entre 1985 et 2018, montrent que les dynamiques démographiques ont des effets opposés sur les inégalités : la part du travail dans le revenu national diminue lors d’une augmentation de l’accroissement naturel tandis qu’elle augmente lors d’une augmentation des flux migratoires. Ceci suggère qu’outre les facteurs habituellement avancés dans la littérature (la division internationale du travail, l’évolution du prix relatif des biens d’investissement, la technologie et l’évolution de la concurrence), les facteurs démographiques jouent un rôle dans l’évolution observée de la part du travail. Ces derniers vont toutefois dans le sens opposé à celui des facteurs économiques car la hausse de la migration et le déclin de l’accroissement naturel ont plutôt contribué à stabiliser la part du travail. L’article montre également que les indicateurs d’inégalités de distribution de revenu ne sont pas affectés par une augmentation de l’accroissement naturel mais qu’ils diminuent à la suite d’une hausse des flux migratoires. Ceci suggère que l’immigration n’a pas contribué à la hausse des inégalités dans les pays de l’OCDE.

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Références

Titre original de l’article : Demographic Changes and the Labor Income Share

Publié dans : European Economic Review, Vol. 131, January 2021, 103614

Disponible via : https://doi.org/10.1016/j.euroecorev.2020.103614

Crédit visuel : KieferPix – Shutterstock

* Chercheur PSE